mardi 30 novembre 2010
Nouveau blog (bientôt), Nouvelle Maud (le retour).
dimanche 24 octobre 2010
The Social Network : vingt ans, milliardaire et seul.
dimanche 13 juin 2010
Bonafide : et le rock pour toujours sera.
mercredi 26 mai 2010
Comédies US, nouvelles du front, ep.I : Community
Les aminches, bien le bonjour. Est ce l'effet de la crise boursière, de mon déménagement imminent ou des miches mollissantes de ma boulangère, mais j'ai envie de parler de séries qui font rire. Foin de blabla, en voiture Simone !
Community : We are family.
Pitch : Radié du barreau pour avoir triché à son concours d'entrée, le cynique Jeff Winger se voit contraint de s'inscrire dans une fac publique minable, l'université de Greendale (Colorado), pour repasser son diplôme. Sur le campus, Jeff intègre un groupe d'études en espagnol uniquement pour draguer la jolie blonde Britta mais la fréquentation de ses nouveaux camarades va peu à peu grignoter sa nature égocentrique et manipulatrice.
De fait, l'écriture de Community déploie une certaine sophistication "à la Aaron Sorkin", un refus de la grosse ficelle (dans le pathos comme dans le rire gras) et une minutie référentielle dans les dialogues qui ne seront pas du goût de tous. Et pourtant l'émotion et l'humanisme sont bien là, comme on le verra plus loin. Les joutes verbales virtuoses et gags inspirés pleuvent tels des grêlons, charriant quintaux de clins d'oeils jubilatoires à la pop culture des eighties. Le franc délire pointe parfois même le bout son nez, à l'instar des épisodes 1.07 (Introduction to statistics), 1.21 (Contemporary American Poultry) et 1.23 (le déjà classique Modern Warfare et sa partie de paintball façon blockbuster US). Mais penchons nous d'un peu plus près sur cette fac de bras cassés.
Dissection du pilote (beurk)
Les premières secondes de Community plantent le décor, dans tous les sens du terme. L'épisode pilote démarre par un discours de rentrée tenu sur le campus par le doyen de la fac (équivalent US de nos directeurs d'UFR), devant un maigre parterre d'étudiants vaguement attentifs. La mise en scène, comme le ton, nous indiquent clairement qu'on n'est pas ici dans la bouffonnerie de The Big Bang Theory (j'y reviendrai plus loin avec le personnage sidérant d'Abed), mais plutôt dans une gamme de rire plus subtil, où la forme est au service du sens. Tandis que Jim Rash (interprète du doyen, il est aussi l'acteur le plus drôle de la série avec Danny "Abed" Pudy) déclame sur sa sono pourrave, un contre-champ hilarant au timing bien ajusté révèle un auditoire clairsemé, consterné ou baillant aux corneilles.
Petites fiches à la main, Pelton (c'est le doyen) jure alors que "Non, Greendale n'est pas une fac de seconde zone pour ados à problèmes, vingtenaires marginaux, femmes mûres divorcées ou personnes âgées qui veulent stimuler leur esprit en attendant la mort"... Et le montage d'enquiller en parallèle des zooms sur les quatre cas sociaux évoqués par le doyen, qui se trouvent être justement étudiants à Greendale et se figent sur le campus, visiblement choqués par les propos de Pelton. C'est idiot mais ce simple petit effet de mise en scène, relativement pointu dans le cadre d'une sitcom américaine, imprime un feeling très "cinéma indépendant" à Community.
Une impression confirmée par les scènes suivantes, reposant avant tout sur un humour verbal plus que burlesque, déclenchant plus souvent le franc sourire que le rire à gorge déployée. On est ici davantage dans un univers proche des films de Wes Anderson et de feu John Hughes, réalisateur adulé par les auteurs puisque l'épisode pilote lui est dédié tandis que toute la trame, jusqu'au générique final reprenant le "Don't you forget about me" des Simple Minds, rend un vibrant hommage à Breakfast club. J'adore.
Ce segment inaugural de Community met donc en place toutes les pièces du puzzle : juste après le discours hilarant du doyen, la séquence suivante introduit Abed, l'étudiant américano-palestinien atteint du syndrome d'Asperger, une forme relativement bénigne d'autisme. Selon le site Asperger Aide, "les personnes qui en sont atteintes ont souvent un comportement répétitif, des intérêts et des activités spécifiques" (intérêt obsessionnel compulsif, dans le cas d'Abed, pour le cinéma et les séries télé). Abed, à lui seul, est un chef-d'oeuvre. Un zébulon instantanément culte dés sa première apparition, avec son faciès d'alien aux yeux ronds, sa diction épileptique, son humour involontaire à froid et ses incessantes références à la culture geek, bien plus finement écrites que celles de cette quiche hautaine de Sheldon dans TBBT.
Le plus beau spécimen de geek du moment à la télé.
Au côté d'Abed, Community flanque d'autres étudiants moins bien brossés mais attachants dans leur... communauté d'ADN dysfonctionnel : Shirley (la fameuse "femme mûre divorcée"), Troy (l'"ado à problème", ex-quaterbackau lycée), le "vieux" Pierce (joué par Chevy Chase, figure de la comédie des eighties, une décennie qui ne cesse de hanter Community), Britta (la "marginale vingtenaire" féministe) et enfin Annie, la femme-enfant brimée. Cette petite bande de bras cassés, version plus âgée de celle de Breakfast Club, se retrouve chaque semaine pour potasser le cour d'espagnol. Le tout sous la houlette du cool et roué Jeff Winger, dont l'univers se résume à deux obsessions : redevenir avocat et se taper la belle Britta.
L'égocentrisme cynique guidant chaque action de Jeff est le point central de la trame ironique de ce pilote en quatre actes.
Acte n°1 : c'est d'abord pour se retrouver seul avec Britta que Jeff a inventé l'existence d'un groupe d'études en espagnol. Britta, bombasse psychorigide à qui on ne la fait pas, piège Jeff en invitant Abed à se joindre à eux. Abed va co-opter à son tour Troy, Annie, Pierce et Shirley. Winger se retrouve avec un vrai groupe d'études sur les bras. Pour la drague, c'est râpé mais il n'a pas dit son dernier mot.
Acte n°2 : Jeff extorque au professeur de psychologie Ian Duncan (un ex-client à lui), les réponses à tous les examens de fin d'année de son cursus. Et contre la promesse d'un dîner avec Britta, il s'ingénie à semer la zizanie au sein du groupe d'espagnol pour prouver à Britta qu'Abed et les autres sont des cas sociaux ingérables.
Acte n°3 : Britta ordonne finalement à Jeff, toujours contre la promesse d'un dîner avec elle, de réparer le tort qu'il a causé dans le groupe. Orateur de talent, Jeff sait alors trouver les mots (réellement touchants) pour souder entre eux ces six losers pour le reste de la saison. Il vient de commettre sa première bonne action de la série, mais toujours dans son propre intérêt.
Acte 4 : nouveau retournement : Britta piège Jeff une fois de plus en lui avouant que sa promesse de dîner était bidon. Jeff explose, brise en quinze chaque membre du groupe et sort de la salle d'étude. Dehors, il découvre que Duncan l'a lui aussi escroqué : les antisèches qu'il lui a remise sous enveloppe kraft ne sont en fait que des feuilles vierges. Arroseur arrosé, dépité, Jeff se montre vulnérable et à cours d'options pour la première fois. Il finit par être réconforté par le groupe, qui l'accepte pour le meilleur et pour le pire. Une famille vient de se créer sous nos yeux.
Pourquoi me suis je crevé la couenne à décomposer l'intrigue du pilote de Community ? Parce qu'elle résume ce qui fait, à mon humble avis, tout le prix de la série : une ligne humoristique très subtile entrelaçant ironie, cynisme et émotion, cette dernière affleurant généralement en fin d'épisodes selon un schéma assez classique de la comédie télé US. Certes, l'écriture de Community est moins immédiatement accrocheuse que celle de The Big Bang Theory ou, sur un mode plus brillant, Modern Family. La multitude de références très américaines débitées façon Kalach' par les personnages, comme chez Sorkin (je pense à Sports Night et Studio 60), bloqueront sans doute à jamais l'accès de Community à une diffusion exposée en France. Concédons également qu'il manque à certains épisodes, dont le pilote, la pêche rythmique d'un Entourage ou de The Office.
Il faut ajouter à ces petits défauts l'excès de nonchalance et peut être une touche trop "foxy" de Joel McHale, l'interprète de Jeff Winger. Acteur de 38 ans venu du stand-up, on l'a entraperçu dans Spider Man 2 (la scène où Parker et tante May sollicitent un prêt au banquier... hé ben c'est lui, le banquier !), The Informant et aussi le talk show humoristique The Soup, sur E! entertainment, où McHale faisait déjà preuve d'un impeccable sens de la répartie vacharde (je le sais j'ai fait partie du public. Sans rire !). Dans Community, McHale vanne à froid, brise, raille, moque et le fait brillamment mais se montre un poil moins crédible dans les scènes plus émotionnelles. On observera attentivement ses éventuels progrès en seconde saison.
Et sinon si tu m'entends Britta, je vais bientôt emménager seul
dans un superbe F2 à Paris dans le 14e...
Community : du rire... mais pas que !
Mais ce qui m'a séduit, hormis le timing comique très réussi des punchlines et le jeu désopilant des comédiens, c'est la fragilité de ce club d'étudiants boîteux. Comme dans Breakfast Club, chacun doit lutter contre sa propre insécurité, son propre sentiment d'exclusion : la quasi-mûre Shirley blessée par son divorce, la maniaco-dépressive Annie et son adolescence-martyr (secrètement amoureuse d'un Troy qui l'ignore), Pierce et sa vie entière à passer pour le ringard de service, Troy et son statut précoce de has-been du lycée... Même Britta, personnage beaucoup plus intéressant que celui de la blonde de service, semble se chercher douloureusement sous ses dehors de pétroleuse autonome.
Au cours des dix premiers épisodes, Community m'a fait complètement craquer pour cette bande de zouaves beaucoup moins cons qu'ils n'en ont l'air et qui passeront la saison à s'entraider pour aller de l'avant. Comme dans les meilleures comédies humanistes américaines (...cf John Hughes), ces "misfits" candides et insécures finissent souvent par nous surprendre avec leur bonté, leur ingéniosité ou leur capacité à prendre Jeff à son propre piège. Un sourire attendri nous barre le visage et la gorge parfois se serre. Comme dans le 1.03 (Introduction to film), centré sur un conflit entre Abed et son père angoissé, hilarant de bout en bout avant de nous assommer sans prévenir avec rien moins qu'une des scènes les plus émouvantes qu'il m'ait été donné de voir dans une série télé. Abed, incapable de s'exprimer sans la béquille de la fiction, va utiliser le tournage d'un court métrage d'études pour dire enfin à son papa tout le bien qu'il pense de lui. Je n'en révèle pas plus pour laisser la surprise à ceux d'entre vous qui n'auraient pas vu l'épisode, mais son écriture est réellement d'une prodigieuse intelligence doublée d'une fieffée roublardise.
Le génial épisode 5 est également symptomatique du talent spécial de Community à nous faire à la fois rire et nous toucher dans une seule et même scène. (ATTENTION SPOILER) Pierce, qui s'est engagé à composer un hymne pour saluer l'inauguration sur le campus d'une statue dédiée à l'acteur Luiz Guzman (portnawak !), s'avère incapable de trouver l'inspiration. Alors qu'il s'apprête à laisser tomber, une fois de plus convaincu de sa médiocrité, Annie lui sonne les cloches et, enfin, la créativité de Pierce s'éveille. A la fin de l'épisode, le doyen Pelton inaugure la statue et Pierce se lance au piano, en dédicaçant sa chanson à Annie. La scène est une réussite totale dans ce mix rire/émotion qui fait la signature la série. La mélodie trouvée par Pierce n'est rien d'autre que le "That's just the way it is" de Bruce Hornsby (célèbre tube des... eighties bien sûr), que notre artiste du dimanche a inconsciemment reproduit. Tandis qu'une très jolie connexion s'établit entre Pierce et Annie, touchée par la dédicace de ce dernier, Abed et Jeff apportent un vrai contrepoint comique en se demandant si Pierce a conscience qu'il risque un procès pour plagiat. Et tandis que Pierce continue de jouer, la caméra s'élève et s'éloigne de la foule rassemblée autour du pianiste... Il y a presque du Spielberg dans la magie de ce moment, témoin de l'affection manifeste des auteurs pour leur troupe de brebis égarées. Tout cela est certes bien simple, me diront les cyniques. Mais voilà, la scène fonctionne à merveille, jouée sans niaiserie et à cet instant précis, on a juste envie d'être parmi ces nases et communier avec eux à Greendale autour de ce loser magnifique de Pierce.
Coup de mou et fête du geek
Un regret : après l'épisode 10, Community semble redéfinir ses priorités narratives en mettant de côté l'émotion au profit d'intrigues plus sitcomesques et plan-plan - les épisodes 11 à 13 n'ont même carrément aucun intérêt. Le personnage d'Abed, comme si les auteurs regrettaient sa mise en avant très nette à l'aube de cette saison, semble même mis en sourdine au profit du groupe. Par la suite, la qualité se montre inégale d'un épisode à l'autre malgré quelques guests sympas (Jack Black, Lee Majors...), tandis que les auteurs s'emploient à faire progresser peu à peu la relation "je t'aime moi non plus" entre Jeff et Britta. Heureusement, dans son dernier virage des épisodes 21 à 25, Community se décide à redevenir brillante, même si l'insouciance reste privilégiée au ton plus sensible des premiers segments. Le tout jusqu'à un twist sentimental final qui, selon qu'on a prêté attention ou pas à certains indices, s'avère plutôt prévisible et sera forcément provisoire. Quant à Jeff Winger, mission accomplie. A l'issue de cette première saison, il a déjà évolué et nous offre un visage plus humain que celui du frimeur arrogant des débuts.
Pour les cinéphiles nostalgiques des eighties/nineties, c'est la fête du slip. Rien que dans l'épisode pilote sont évoqués Elizabeth Shue, Hughes, Seinfeld, Michael Douglas, Dirty dancing... et les clins d'oeils à la pop culture s'abattent à chaque coin de réplique tout au long de la saison. Karaté Kid, Short circuit, Batman, Le cercle des poètes disparus, Retour vers le futur, Dar l'invincible, la série Cop Rock, Jeff Goldblum, Ghost/Patrick Swayze, Mad Men... ils y passent tous ! D'abord essentiellement par l'intermédiaire d'Abed, über-geek du grand et petit écran décryptant tout ce qu'il voit comme une scène de série télé.
Aussi "surnaturel" dans son jeu que pouvait l'être Andy Kaufman dans la sitcom Taxi, Danny Pudi nous régale de ses immersions dans le bain geek. Un seul exemple parmi tant d'autres : l'inoubliable épisode d'Halloween (Introduction to statistics), dans lequel Abed se livre à une imitation totalement habitée de Christian Bale dans les Batman de Nolan. Mais l'attirail référentiel de Community se déploie aussi via des épisodes entiers et d'ores et déjà culte, comme le 1.21 ("Contemporary american poultry"), brillantissime pastiche des Affranchis et de la Scorsese touch en général. Ou encore l'incroyable 1.23 ("Modern warfare"), dans lequel Community prouve définitivement la sophistication de sa mise en scène : de Matrix à Die Hard en passant par Rambo 2, cet épisode centré sur une partie de paintball géante organisée sur le campus photocopie dans leurs moindres tics formels les blockbusters d'action les plus cultes de ces 25 dernières années. On hallucine devant tant de brio et oui, Community est définitivement une série intelligemment faite par des geeks pour les geeks.
Il y aura encore sans doute bien à dire sur Community et ses personnages sur lequels je n'ai pas pu m'attarder dans le détail. J'aurais pu ainsi consacrer un autre paragraphe au professeur Chang, enseignant asiatique d'espagnol, totalement hystéro (un poil trop d'ailleurs) et auquel les scénaristes réservent un revirement intéressant en fin de saison. Mais je pense que j'ai largement grillé mon quota de signe ainsi que ton potentiel d'attention, fidèle lecteur. Alors pour ceux qui n'ont pas encore goûté à l'univers barré des losers de Greendale, inscrivez vous fissa. Et laissez Abed, Pierce, Annie, Troy, Shirley, Britta, Jeff et les autres vous donner envie de refaire votre vie sur un campus de seconde zone dans le Colorado. Croisons en tout cas les doigts pour une seconde saison transformant l'essai réussi de ce premier acte.
PS : j'ai failli oublier de parler des mini séquences de fin d'épisode mettant en scène Abed et Troy en train de faire les marioles. C'est toujours du grand n'importe quoi et tant mieux !
End of transmission...
samedi 8 mai 2010
Inception et Machete : un nouvel espoir ?
mercredi 28 avril 2010
Iron Man 2 : en fer... et damnation ! (warning : quelques spoilers)
Les aminches, y en marre. Ha ça oui, marre alors ! Plissken est colère. Le gaulomètre le plus fort de 2010 (cf Scuds#12) s'est transformé en quart de molle à l'issue de 128 minutes d'une projection laborieuse et particulièrement frustrante. Nom d'une pute ouzbèque, ILS n'avaient pas le droit de le rater, celui là ! Et pourtant... Sans être, loin de là, une catastrophe, Iron Man 2 se révèle un gloubi-boulga plutôt indigeste, une grosse cylindrée incapable de passer la seconde après une ouverture prometteuse et malgré une tétra-chiée d'ambitions sur le papier. Putain, Jon, mais que s'est-il passé ?
Back to 2008. A la surprise générale, le premier Iron Man s’était imposé, voici deux ans, comme l’un des meilleurs films « de super héros ». Tout simplement. Antithèse du Dark Knight de Nolan sorti l’été suivant, Iron Man trouvait un ton miraculeusement juste entre cool attitude pop, déluge technologique et interprétation à hauteur d’homme de l’irrésistible et attachant Robert Downey Jr. Sans compter, à titre anecdotique, un immense cadeau à tous les métal maniacs en ouvrant le film sur l’éternel Back in black de AC/DC et en tirant le rideau sur le… Iron Man de Black Sabbath. Bref, une vraie réussite pour ce long métrage inaugural du tout nouveau studio Marvel, récompensée par un box-office stratosphérique. On piaffait d’impatience à la vision de cette suite, rêvant d’un successeur aussi brillant que le fut Spider Man 2 dans la foulée de Spider Man. Raté.
Deux mots viennent à l’esprit sur ce film lorsque les lumières de la salle se rallument : brouillon et ennui. Iron Man 2 dure autant que son prédécesseur mais semble pourtant faire une bonne demi heure de trop, tellement les tunnels de laborieux dialogues s’enchaînent entre les deux (... deux !!!) scènes d’action majeures du métrage. Plus complexe que dans Iron Man, l’intrigue du lourdingue Justin Theroux se perd dans des digressions peu palpitantes, glissant ici et là un maximum de comédie au détriment de l’action, en oubliant que le compteur tourne et le bâillement menace. Robert Downey Jr, comme toujours tout en panache, occupe tout l’espace , réduisant les autres stars à l’état de quasi figuration. Mickey Rourke ? Après une première confrontation avec Iron Man à Monte Carlo, son personnage de Whiplash passe presque tout le film enfermé dans un labo à fabriquer des armures-drones pour le grand méchant milliardaire Justin Hammer (Sam Rockwell, au cabotinage pas toujours heureux). Scarlett Johansson ? Incolore et inodore malgré ses acrobaties finales, terriblement mal filmées par un Favreau en très petite forme.
La mise en scène de l’action, déjà point faible du premier Iron Man, se montre ici encore plus foutoirisante. Pour sûr, du spectacle il y en a lorsque Whiplash et notre héros se castagnent sur un circuit de F1, ou bien lors du final où Iron Man et son pote Rodhey sont pris en en chasse par une armée de drones destructeurs. Mais on ne sent étrangement aucune dynamique dans ces scènes, aucun impact. On voit mais l’on ne ressent jamais cette sensation d'excitation intense typique d'un blockbuster dépotant digne de ce nom. La faute peut-être à des cadrages et un découpage peu inspirés mais aussi aux enjeux finalement pauvres d’un scénario perdu dans ses objectifs. Car que nous raconte exactement ce film ? Qu'en reste-t-il une fois dissipé le brouhaha de l'affrontement final ? C'est bien le problème : le synopsis multiplie les pistes, mais sans réellement parvenir à les mixer en un tout harmonieux, comme une mayonnaise qui décidément se refuse à prendre.
Après avoir révélé au monde entier sa double identité, Stark doit faire face à une triple menace : une commission sénatoriale exige qu'il restitue son armure au gouvernement pour des questions de sécurité nationale ; Ivan Vanko, alias Whiplash et ses fouets électro-magnétiques, veut venger son père, ex-collaborateur malheureux du père de Tony ; Justin Hammer, fabricant d'armes jaloux de la réussite de Stark, convoite de juteux contrats avec la Défense US en faisant fabriquer à Whiplash une armée d'armures-drônes. A ces trois dangers extérieurs, le scénario en ajoute un quatrième : Tony Stark lui-même, rongé de l'intérieur par : le combustible nocif de son bidule thoracique, l'ombre pesante de son père disparu... et une certaine propension à l'autodestruction via l'alcool.
En plus de ces quatre thèmes, l'intrigue doit faire rentrer au chausse-pied l'inévitable trame du "projet Vengeurs", la fameuse équipe de super héros dont Iron Man sera membre fondateur dans le film de Joss Whedon attendu pour 2012. Souci : plombé par une absence totale de rythme, IM2 passe d'un sujet à l'autre comme un guichetier crierait "suivant !", tout en étirant inutilement ses innombrables bavardages par des saillies humoristiques assommantes. Certes, par rapport au premier volet, on gagne ici en complexité mais à quoi bon si c'est pour mal gérer le crescendo dramatique ?
On sent réellement Jon Favreau dépassé par la surabondance de trames et par son cahier des charges imposant l'introduction du « projet Vengeurs » dans le script. Lorsque le générique de fin se pointe, on a certes apprécié ici et là certaines répliques revolver de Stark, le roulage de "R" comique de Rourke, les clins d'oeils aux fans et les SFX toujours impeccables. Mais en sortant de la salle, une vague sensation de déprime s'abat sur vous : l'impression d'un relatif gâchis, rendez vous raté d'un réalisateur parti sur les chapeaux de roue pour finir sur des béquilles. Je prie les dieux geeks que le troisième volet, inévitable, dérouille un peu plus que cet Iron Man 2 bizarrement boîteux... même si, peut-être, le temps jouera en sa faveur une fois accepté le principe d'un volet transitoire.
PS : trois arnaques à signaler qui n'arrangent pas mon jugement sur le film :
- La scène du trailer où Pepper Potts embrassait le casque de Stark avant que celui ci ne se jette dans le vide depuis un avion cargo ? Trappée !
- La B.O "entièrement signée AC/DC" vendue à grand renfort de marketing depuis des mois ? Deux pauvres morceaux qui se battent en duel (certes deux chef-d'oeuvre mais bon...) !
- Une séquence post-générique "geekasm" comme à la fin du premier Iron Man ? Y en a pas ! (du moins pas à la projection de presse, donc sait-on jamais...). Voilà, tiens je vais me remater le Blu-ray de la Horde sauvage. Toi au moins Sam, tu ne m'as jamais déçu !
EDIT : vous êtes nombreux à me dire ce soir que la dite séquence post-générique existe bien dans les projections salles. Niqués, les journaleux ! Et sinon, vaut-elle le coup ?
Iron Man 2, de Jon Favreau (Paramount). Durée : 128 minutes. En salles depuis le 28 avril 2010.
vendredi 23 avril 2010
Kick Ass : le syndrome Jackass
Message d'introduction à toi cher lecteur : malgré mon éternelle et immense admiration pour John Romita Jr, co-auteur du comic book dont le film est tiré, je n'ai pas lu Kick-Ass. Mon avis sera donc totalement découplé de critères basés sur la fidélité ou non du bouzin à l'oeuvre originelle, publiée par Marvel entre 2008 et 2010. Mes critiques s'adressent au long métrage exclusivement, sans savoir si oui ou non l'on retrouve la même "philosophie" dans le comic.
Je n'attendais pas grand chose de ce Kick Ass, au vu des commentaires très mitigés lus ici et là sur Twitter. L'avis particulièrement virulent du Dr No, traitant le résultat - je cite - "d'apologie répugnante de l'auto-défense", ne contribuait pas non plus à ma bienveillance, malgré les nombreuses divergences politiques qui me séparent de mon binôme Tomien. Et pourtant, en m'asseyant vendredi soir dans les confortables fauteuils du MK2 Bibliothèque, en compagnie du camarade Mikanowski, j'espérais toujours une agréable surprise.
Je me voyais même déjà dans quelques mois, ferrailler vaillamment contre le fielleux No sur le supposé "fascisme" du film, renvoyant dans les cordes de sa doxa gauchiste le Docteur dans un futur Tonight On Mars. Mais lorsque les lumières se rallumèrent, quelques deux heures plus tard, ne me restait pour seul sentiment qu'un étrange malaise. Et si No avait raison ? Et si, sous ses dehors de farce trash, fun et cool à l'usage autant de la masse que des geeks, Kick-Ass cachait une nature plus glauque, triste reflet d'une banalisation de la violence et d'un état de nouveau western dans lequel notre société civile s'enlise tragiquement ? Gasp, p'têt ben qu'oui !
Reprenons depuis le début. Comic book estampillé Marvel, via son label creator owned "Icon", Kick Ass est un curieux mélange d'hommage et de satire de l'univers des super héros d'obédience Marvel. Ici, rien à voir avec "l'esprit DC" : exactement comme Stan Lee en a posé les bases avec Spider Man en 1962, le paradigme à l'oeuvre dans Kick-Ass (et donc le film) postule un monde dans lequel le plus commun des mortels peut devenir un super héros. Peter Parker, c'est moi, c'est vous, c'est n'importe quel ado geek ignoré par les filles et rêvant de pouvoir clouer le bec à la brute épaisse qui l'intimide en classe. Rien à voir avec un milliardaire de Gotham ou un alien indestructible veillant sur Metropolis.
Dans les années 60, pour mieux concurrencer DC et ses demi dieux désincarnés (Superman, Batman, Wonder Woman...), Stan Lee et son escouade de francs tireurs du crayon (Ditko et Kirby en tête) créèrent des "super héros du quotidien". De notre quotidien. A l'opposé des icônes majeures made in DC, presque tous les personnages Marvel créés à l'époque sont des quidam victimes des circonstances, de Peter Parker à Matt Murdock en passant par Bruce Banner, Don Blake et toute la clique des mutants de X-Men. Cerise sur le gâteau du "réalisme" des comics Marvel : Lee, en orfèvre du gag référentiel, adorait écrire des épisodes dans lesquels les Fantastic Four, Spider Man ou Iron Man découvraient, consternés, le merchandising éhonté pratiqué sur leur dos par la société. Le train Kick-Ass s'engage sur les mêmes rails du réalisme façon "ça peut aussi vous arriver" et du clin d'oeil complice, tout en calquant son héros sur LE héros Marvel : Spider-Man.
Comme Peter Parker, le Dave Lizewski du film est un lycéen timide (et boutonneux) de New York. Fans de comics rêvant d'un destin meilleur, Dave se plaint aux deux éponges qui lui servent d'ami qu'aujourd'hui, "personne n'a envie de devenir un super héros". Il ne comprend pas, Dave, pourquoi les deux punks du coin continuent d'agir impunément sans que personne ne bouge le petit doigt. Chez Dave, le besoin d'agir autant que d'adopter les poses cool de ses idoles de papier tourne à l'obsession. Hop, tenue vert émeraude commandée sur le Web, un masque, deux bâtons de ninja, une grosse dose de courage et le tour est joué : Dave devient Kick-Ass. Sauf que sa première tentative d'intervention face aux brutes sus-nommées va se solder pour lui par un séjour illico aux urgences. Hé oui : rêver de super fliquer les rues c'est bien gentil, mais faire respecter l'ordre et la loi, c'est un métier assermenté (qui s'appelle agent de police) !
A ce stade, Kick-Ass est plutôt rigolo et ressemble même à une version potache de Watchmen, qui lui aussi déconstruisait, sur un mode adulte, la condition chimérique et toxique de super héros. Dans Watchmen, s'imaginer pouvoir faire justice en solo dans la rue avec un masque se paie très cher et conduit toute une société vers l'apocalypse. La première demi heure de Kick-Ass paraît tenir un discours similaire - "voilà ce qui arrive quand on veut jouer au super héros". Sauf que là où le récit de Gibbons et Moore pilonnait jusqu'au bout le mythe super héroïque, Kick-Ass embraye alors sur un chemin glorifiant, au final, le passage à l'acte. Protégé par l'alibi potache, le scénario fait alors passer des idées absolument terrifiantes.
En cours de film, Dave croise le chemin de deux "vrais" super héros : Big Daddy et sa gamine de onze ans, Mindy, alias Hit Girl. Big Daddy est un ancien flic déchu, ivre de vengeance contre le mafieux Frank D'Amico (Mark Strong, excellent) qui l'a fait enfermer en prison pendant cinq ans. Parce que sa femme est morte durant son incarcération, Big Daddy élève seul Mindy, en totale autarcie et fait d'elle une petite machine à tuer, experte mortelle dans n'importe quelle arme. L'entraînement de Hit Girl consiste, entre autre, à se faire tirer dessus à bout portant par son papa (protégée par un pare-balles). Le business de nos deux associés consiste à exterminer du truand, particulièrement si ce dernier a un lien avec D'Amico. Ce tandem de vigilantes père et fille a quelque chose de profondément gênant mais à aucun moment, si ce n'est au détour d'une réplique lâchée par l'ex-coéquipier flic de Big Daddy, son mode de vie n'est remis en cause. Plus tard, la dite Hit Girl tire Kick-Ass d'un mauvais pas en massacrant sans pitié les agresseurs. Plus tard encore, capturés par la bande à D'Amico, Kick Ass et Big Daddy seront torturés et leur supplice retransmis sur le web, pour l'exemple.
Je sais : tout celà est du 15e degré, de la provoc' politiquement incorrecte, rien n'est à prendre au sérieux et j'ai perdu mon sens de l'humour. Peut-être. Peut-être aussi suis-je trop âgé pour marcher dans la combine. Voir une gamine haute comme trois pommes, flingue ou sabre en pogne, trucider du malfrat sans plus d'émotion qu'un Terminator, ça ne me fait pas rire. Voir la dite enfant se faire éclater le minois et valdinguer comme une poupée de chiffon par le méchant dans le fight final, ça ne me fait pas rire non plus. Encore moins observer la torture complaisamment montrée de deux personnages, dont l'un d'eux finira carbonisé au terme d'une longue agonie.
Certes, le film nous montre à ce moment précis le prix à payer pour jouer les héros... mais au final , l'épreuve renforcera d'autant plus Kick-Ass dans ses convictions. Il y a dans ce trip malsain une incohérence de ton, un mix bizarre entre le fun du début et le tragique de ce qui suit, avant de renouer avec un second degré pas vraiment drôle dans le dernier acte. Le message final semblant surnager de cette sinistre farce n'adoucit pas le malaise : toi aussi tu peux devenir un super héros et t'adonner à l'auto-défense, c'est fun et en plus tu deviens une star sur Myspace ! Au moins, dans Jackass, Johnny Knoxville nous prévenait qu'il ne fallait surtout pas tenter de reproduire ses conneries...
La grande laideur visuelle de Kick-Ass, baignant tout du long dans une image surexposée assez dégueulasse, n'arrange rien. Tout comme un script balourd au rythme inégal et aux sous-intrigues ineptes (la love story entre Dave et Katie...), malgré quelques répliques et gags visuels bien sentis. A l'arrivée, Kick-Ass est un bien curieux objet filmique. Pas inintéressant dans son caractère symptomatique d'une époque (banalisation de la violence, obsession de la gloire sur le web, popularité de la culture geek...). Ni dans son ciblage marketing, malin, visant à la fois les geeks friands de clins d'oeil et le grand public peu porté sur cet univers (on rit aussi beaucoup sur le dos des super héros).
Pour autant, j'ai vécu avec ce film une expérience désagréable, où la gêne et le malaise l'ont largement emporté sur quelques sourires ici et là. Pour une fois, je partage l'avis des grands studios qui ont refusé de financer ce cirque dégénéré et moralement irresponsable, jouant avec les notions de vie et de mort comme on clique sur Chatroulette. Un Kick Ass 2 verra le jour. Tant mieux pour les fans. Mais ce sera sans moi et je n'ai ce soir qu'une hâte : me laver de cette pantalonnade en prenant mon pied devant Iron Man 2. Comme dirait l'agent Murtaugh, I'm too old for this shit...
End of transmission...`
Kick Ass, de Matthew Vaughn. Durée : 1h57. En salles depuis le 21 avril.