Greetings, programs... Plissken here... Entre deux siestes dominicales, voili le fond de ma pensée sur le Tarantino que j'ai pu voir cette semaine en projection de presse. Enjoy et surtout enjoy le film quand il sortira le 19 août !
Voilà, c’est fini. Après 10 ans de gestation dans les synapses de Quentin le fou, 14 semaines de préparation, trois mois de tournage et six de post-production, Inglourious basterds nous délivre enfin d’une interminable attente. Un suspense teinté d’angoisse depuis la projection en mai du monstre à Cannes, d’où résonnaient moult échos assassins sur le résultat. Trop long, trop bavard, grotesque, farce de mauvais goût… Je n’ai pas dû voir le même film. Inglourious Basterds est un monument de plaisir, certes parfois coupable, mais dont les 148 minutes filent à la vitesse d’une balle de Luger. Faux remake de l’italien Une poignée de salopards, d’Enzo G. Castellari (« Inglorious bastards » en version internationale, 1978), dont il ne reprend qu’un squelette de trame, Inglorious basterds n’est d’abord pas un film de guerre, bien plutôt d’espionnage.
Divisée en cinq chapitres, l’intrigue entrecroise deux récits : une vengeance personnelle et un complot allié contre des dignitaires nazis à Paris. La vendetta est celle de la jeune juive Shosanna Dreyfus (Mélanie Laurent) dont la famille se fait, au début, massacrer dans la ferme du paysan qui la cache par les hommes du colonel SS Hans Landa (Christoph Waltz, extraordinaire). Affublé du sinistre sobriquet de « chasseur de Juifs », Landa a été envoyé en France par Hitler pour débusquer ceux qui ont passé les mailles du filet nazi. Shosanna s’extrait in extremis de la fusillade et, trois ans plus tard, se retrouve propriétaire d’un cinéma à Paris sous une fausse identité. Or, l’endroit vient d’être choisi par Goebbels pour accueillir la projection officielle de son dernier film de propagande, « La Fierté de la nation », basé sur les récents exploits du soldat Fredrick Zoller (Daniel Brühl)… et Landa assurera la sécurité de la soirée. Pour Shosanna, l’occasion est trop belle d’un attentat ciblé. Parallèlement, le commandement allié décide lui aussi de profiter de l’événement pour liquider sur place les principaux leaders du 3e Reich : il fait appel pour cela aux services des « Bâtards ». Un commando très spécial de huit soldats juifs américains, emmené par le lieutenant Aldo Raine (Brad Pitt, drôle et bouffi) et dédié exclusivement à de sanglantes missions punitives en Europe contre les nazis. Scalpant leurs victimes, les « Bâtards » sèment l’effroi parmi les troupes hitlériennes. Les destins de Shosanna et des hommes de Raines, l’une ignorant le stratagème des autres et réciproquement, se joueront le soir de cette projection à haut risque.
J’ai écrit plus haut qu’Inglourious basterds était un film d’espionnage mais il s’agit plus sûrement d’un Ovni. Une fête des sens alternant les langues (Anglais, Français, Allemand), les styles (western spaghetti, guerre, espionnage, comédie, épouvante) et les musiques (de Morricone à Lalo Shiffrin en passant par Tiomkin et même… le tandem Bowie/Moroder pour le morceau culte Cat people !). Foutoir laxiste, comme dans le diptyque Grindhouse ? Jamais de la vie ! L’écriture s’avère d’une précision d’horloger, mettant patiemment en place les pièces du puzzle pour lâcher les chiens dans un dernier chapitre de pure folie où une salle de cinéma prend des allures d’enfer de Dante, ricanements d’outre-tombe compris.
Certes, comme toujours chez Tarantino, ça jacte longuement dans Inglourious Basterds. Mais l’exceptionnelle qualité des dialogues, y compris lors des échanges en Français, les sauve de la logorrhée auto-suffisante. Pourquoi ? Parce qu’ici, Tarantino ne s’égare pas en conjectures masturbatoires sur les vertus du Big Mac, de la Pina colada ou d’un nanar culte de karaté. Dans IB, les joutes verbales sont autant de parties de faux-semblant entre les protagonistes, les uns (nazis) cherchant à démasquer les autres (alliés, Juifs), nourrissant ainsi une dynamique du chat et de la souris. Tension garantie.
Témoin le sublime premier acte où l’implacable colonel Landa, parfait salopard onctueux, feint l’amabilité et le simple contrôle de routine face au fermier français Perrier Lapadite qui, lui, feint de ne pas comprendre que Landa sait déjà qu’il cache dans sa cave la famille Dreyfus. Filmée à la Sergio Leone avec force gros plans sur les visages, la séquence prend son temps mais vous tient par les cojones jusqu’à ce que la mort abatte ses cartes. Et dans la peau de Landa, Christoph Waltz impose instantanément le plus inoubliable bad guy de toute la filmo de Tarantino. Sa palme d’interprétation à Cannes n’est que justice. Plus tard, dans la jubilatoire scène de l’auberge La Louisianne, trois Bastards grimés en officiers teutons et leur taupe, l’actrice allemande Bridget von Hammersmark (Diane Kruger, éblouissante), devront faire gober leur subterfuge à un major soupçonneux. Une fusillade brève mais tétanisante renvoyant à Reservoir dogs va clore ce poker menteur d'anthologie. Etourdissant !
La violence, comme dans presque tous les Tarantino, est omniprésente dans Inglourious basterds. Ponctuelle, elle éclate en décharges brutes et sans aucune retenue. Défouloir cathartique, le film réserve un traitement particulièrement sadique aux nazis. Scalpés, écrabouillés à coup de batte de baseball, brûlés vifs, scarifiés, égorgés, criblés de centaines de balles… On risque d’entendre s’élever ici et là certaines voix pour s’interroger sur la moralité (amoralité) de ce parti pris et les intentions du cinéaste. A-t-il voulu susciter une réflexion ? Se livrer simplement au pur plaisir de massacrer « pour de faux » et sans mauvaise conscience les pires bourreaux du XXe siècle ? Les historiens ne manqueront également pas de tiquer devant la liberté totalement décomplexée prise par Tarantino avec le sort d’Hitler lui-même dans le chapitre final. Et le réalisateur s’expose au risque de déclencher, chez certains esprits mal tournés, des interprétations malsaines de ses débordements. Mais soyons clairs : Inglourious Basterds est une uchronie, un fantasme fun délesté de tout réalisme historique. Son seul « message », délivré dans l’halluciné climax, est une métaphorique déclaration d’amour au cinéma, assez puissant selon Quentin pour changer le cours de l’Histoire.
Les rats de cinémathèques vont se repaître de leur habituelle ration de références et clins d’oeils. Via les dialogues, la musique, l’image ou les guest stars, Tarantino rend hommage pêle-mêle aux films de genre italiens des années 60/70, à la Nouvelle vague, au cinéma allemand. Ainsi qu’à des classiques comme Le Dernier train du Katanga (dont l’acteur principal Rod Taylor joue ici le rôle de Churchill), Les Douze salopards, Les Canons de Navaronne, La Féline, Le Sang des autres… la liste est longue. Exécutée par un caviar de casting qui n’oublie pas les copains (le réalisateur Eli « Hostel » Roth, dans le rôle du sergent Donowitz, le massacreur à la batte. Amusant !), la ludique symphonie des salauds sans gloire vous emporte par sa fougue, son audace et sa liberté. Nul ne sait comment elle vieillira mais sur le moment, seul compte le plaisir intense et incomparable de voir un VRAI film. Entre une pelloche-valium française (au hasard : Welcome) et une dégénérescence numérique ricaine (au hasard : Transformers 2), ça fait du bien. Inglourious Basterds m’a rappelé pourquoi j’aimais le cinéma. J’ai déjà dit « merci » à Pixar dans une précédente critique alors… Danke Quentin !
Inglourious basterds, de Quentin Tarantino (2h28). Sortie nationale le 19 août
10 commentaires:
Bon ben au final on peut dire qu'il était plutôt pas mal cet été de blockbusters, non ?
On a déjà un Star Trek, un Pixar et Tarantino. J'ai connu pire comme été...
ouais finalement ! Je compte sur toi pour me laisser ton avis sur le film (ou sur le blog Scuds) quand tu l'auras vu !
Phil je te fais confiance et t'as pas intérêt à ce que je le trouve pourri ! (j'ai pas aimé kill bill)
Belle critique en tout cas.
Bon à part ça, il me faudrait un bon De Palma, un bon Coen, un bon Lynch, un bon Spielberg pour que l'année soit parfaite, on peut toujours rêver.
Il n'y a plus eu un seul Spielberg parfait, du moins qui ne connaisse pas un violent coup de mou à mi chemin, depuis Indiana Jones et le temple maudit. Les Coen font des films qui m'emmerdent chaque fois un peu plus depuis Oh Brother (alors que Sang pour sang, Arizona Jr, Barton Fink, Miller's crossing, Fargo... des claques !). Lynch n'a jamais été trop ma came, à part Elephant Man et Blue Velvet. Quant à de Palma... cause perdue !
Ok avec toi pour les Coen, pas d'accord pour Spielberg, j'ai adoré la guerre des mondes et enfin concernant Lynch, je trouve que Mulholland drive est un putain de chef d'oeuvre. De palma est perdu en effet, il a même réussi à massacrer le Dalhia noir alors que c'était un pur sujet pour lui : un meurtre horrible, du voyeurisme et de la perversité à gogo.
Je ne sais pas si j'accrocherai au pochain Tarentino, mais en tout cas John, tu as l'art du teasing ;)
Rendez-vous fin aout pour lâcher mon avis (oui, je vais rarement voir les films le jour de leur sortie ^^)
c'est vrai qu'il fou la pêche ce film et qu'il est assez atypique. Il n'y avait que QT pour être assez barge pour pondre un truc pareille. D'autant que le film ne se contente pas d'être fun, il est aussi hautement sophistiqué et il y a des chances qu'il fasse date, ne serait-ce que dans la déjà très éloquente filmo du cinéaste..
Tarantino, notre pote.
Ouais les aminches (en hommage à John Plissken), c’est bien le sentiment que j’ai après avoir vu le Inglourious Basterds de notre Quentin presque national – on peut le dire vu qu’il s’est entiché de Mélanie Laurent.
On aura beau trouver toujours et encore les mêmes défauts aux films de Tarantino : c’est long, c’est bourré de blah blah, ça joue toujours sur le kitsch, le vintage… bref c’est une formule qui tourne en rond, il n’empêche que nulle part ailleurs on ne trouve cette jubilation de faire du cinéma dans le but ultime de se faire plaisir et de faire plaisir au spectateur. C’est là toute sa force et c’est à cela qu’on reconnait ses films.
Non en fait il y a deux critères de reconnaissance d’un Tarantino.
Premièrement, les pieds.
Oui, cela n’est quasiment jamais abordé mais il est évident que Quentin est un fétichiste des pieds. Il aime cette partie du corps, il adule la plante, le talon, les orteils. Pulp Fiction : premier dialogue sur le massage des pieds, puis conductrice de taxi pieds nus, et Thurman qu’on découvre par ses pieds. Jackie Brown : Fonda qui se vernit les pieds, Kill Bill : toujours de longs plans sur les pieds de Thurman, Death proof : premier plan du fil sur les pieds de Butterfly puis les pieds de Jungle Julia sous la pluie, et Russel qui lèche l’orteil d’Abernathy. Et enfin dans Inglourious, le pied de Kruger en gros plan. Bref, au monde du cinéaste fétichiste des pieds, Tarantino est Roi.
Deuxièmement, l’humilité.
Là vous vous demandez certainement pourquoi je parle d’humilité ? Qu’est-ce qu’il a donc dans la tête ? Va-t-il nous sortir un joli discours masturbatoire aussi compréhensible que le tractatus logico-philosophicus de Wittgenstein ? - Pour le coup on peut dire que je me la pète en sortant des noms comme ça… et ça c’est pas du tout de l’humilité.
On dit souvent du cinéma de Tarantino qu’il est jubilatoire et c’est vrai mais quelles en sont les raisons ? Eh bien c’est là que réside tout le génie du bonhomme : il nous fait vivre de vrais moments de cinéma tout en nous mettant continuellement en position de recul.
Tarantino aime les films pour la simple raison qu’ils lui ont fait vivre des moments forts. Or, ce n’est pas seulement ces moments forts qu’il veut nous faire partager mais aussi les raisons pour lesquelles il les a aimés. Je sais c’est obscure mais je vais essayer de m’expliquer.
Que font en général les réalisateurs ? Ils font du cinéma en s’inspirant de leurs modèles et au final réussissent avec plus ou moins de bonheur à embarquer les spectateurs dans leur univers. Untel fait un film d’horreur : il s’inspire d’evil dead, il s’inspire d’halloween ou d’autres œuvres de référence et il espère au final que le spectateur tremblera de la même façon qu’il a tremblé plus jeune. Tarantino a une autre démarche. Il met en quelque sorte le spectateur en abyme. Il ne se contente pas de tourner une scène pour nous faire flipper, trembler ou nous écœurer, mais il tourne cette scène de façon magistrale tout en nous rappelant que tout cela est du toc.
Illustration : la scène du meutre dans death proof. Avant de faire sa virée de la mort avec sa victime, Kurt Russel se tourne vers le spectateur et a ce sublime sourire de connivence. Ce sourire est bourré de sens et résume la démarche de Tarantino. Dans tout autre film, Russel se serait contenté de tuer violemment la petite blonde. Là il va prendre le spectateur à témoin de façon à lui rappeler que tout cela est du cinéma et que ses attentes vont être comblées par une scène bien trash.
Tarantino c’est ça : c’est travelling en plongée qui passe par au dessus du décors, ce sont des incrustations sur image complètement incongrues, ce sont des images vieillies, des cuts foireux, etc…
Pour en revenir à Inglourious, le but n’est pas de faire un film de guerre, mais est encore une fois de nous rappeler pourquoi on a aimé les grands films de guerre : de l’espionnage, de la vengeance, de la torture, des nazis cruels, rusés à outrance, etc… Et ça marche !
Basterds c’est un patchwork mais là où n’importe quel réalisateur lambda se contenterait d’assembler des bouts de tissu, Tarantino met en scène les coutures qui réunissent tout ce bric à brac. Peu importe que les dialogues trainent en longueur parce que le génial Quentin sait mettre en valeur le talent des acteurs et on est encore une fois pris dans leur toile. Peu importe que certaines scènes soient horribles parce que Tarantino nous répète tout le temps qu’on est au cinéma. Peu importe que certaines scènes soient grotesques parce que Tarantino nous rappelle que la musique est parfois là pour nous mystifier.
En fait toute l’œuvre de Tarantino est là pour nous dire que la magie d’un cinéma bien fait est qu’il va toujours opérer quand bien même savons que c’est du cinéma. En cela il fait preuve d’humilité parce que lorsqu’il fait des films il se place constamment à nos côté dans la salle obscure. C’est aussi probablement pour ça qu’on l’aime : c’est parce qu’en tant que cinéphile, on a la conviction que c’est notre meilleur pote.
P.S.
J'ai terminé ce texte à 4h, pas trop le courage de relire et de peaufiner tout ça !
Comme vous le dites, il est beaucoup mieux que la plupart des films de cette année, mais je pense toujours que Tarantino a été à son meilleur avec Pulp Fiction. J'espère qu'il retourne à ce formulaire. Pour moi, la Lune a été la bonne surprise d'un film cet été.
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