Salut les aminches, Plissken here... J'avais débuté la rédaction de ce post quelques jours après la mort de John Hughes puis... mes galères de déménagement et de connexion, suivies d'une panne créative l'ont laissé inachevé... Jusqu'à ce soir, où j'ai repris le texte pour enfin en venir à bout. J'allais quand même pas laisser partir le papa de Ferris Bueller sans lui dire un dernier au revoir, même à la bourre ! Y a quelqu'un pour me contredire ? Anyone, anyone... ?
John Hughes : il était l'un des nôtres.
J'ai également traîné à rédiger ce post parce que je ne voulais surtout pas bâcler mon tout petit message d'adieu au "Steven Spielberg de la comédie ado", comme l'avait surnommé dans les années 80 l'ancien patron de la Paramount, Ned Tannen. Alors j'ai pris mon temps.
Je lis que Hughes est parti terrassé par un infarctus à Manhattan, à 59 ans, et je n'arrive pas à le croire. Cette nouvelle me colle un blues monstrueux. A découvrir sur le web les réactions sincèrement bouleversées de plusieurs internautes et journalistes de ma génération, je reçois un écho réconfortant à mon désarroi. Soulagement. Je ne suis pas seul à vivre cette disparition précoce comme un choc. Pardon d'avance de resservir le poncif du vieux nostalgeo mais les films de John Hughes, au moins quatre d'entre eux (il n'en a réalisé lui-même que huit !), m'ont touché et accompagné jusque dans ma vie d'adulte au même titre qu'autant d'amis chers et complices de toujours.
Comme je le rappelais dans un post précédent consacré à La Folle Journée de Ferris Bueller, j'attribue aux oeuvres réalisées et/ou produites par Hughes non seulement une très grande valeur cinématographique mais en plus un pouvoir sensoriel instantané. Un déclencheur de souvenirs imprescriptibles.
Les images et la bande originale de Breakfast Club, puissamment portées par le "Don't you forget about me" de Simple Minds, me renvoient directement à mon année de 3e. Mes premières claques amoureuses, ma timidité insurmontable avec les filles, l'envie d'être comme certains minets du bahut toujours mieux habillés et plus cools, mes premiers émerveillements de cinéphile, les heures de colle, le top 50 sur Canal +, mes soirées passées à dévorer Strange et Starfix, les fous rires en cours de récré et à la cantine avec les copains...
Sixteen candles (Seize bougies pour Sam en VF) et Pretty in Pink (ce dernier fut écrit/produit par Hughes et réalisé par Howard Deutch) me rappellent à quel point j'étais amoureux de Molly Ringwald, introuvable idéal de copine dysfonctionnelle au charme foudroyant.
La Folle Journée de Ferris Bueller me renvoie en un claquement de doigt à mon année de Terminale et aux innombrables soirées passées avec ma bande de potes à nous injecter ce classique à hautes doses, ivres de rire et d'insouciance (et de beaucoup de Tequila !)...
Dans les années 80, Hughes fut donc à juste titre considéré comme le roi de la teenage comedy. Un trône a priori douteux, si par ce genre l'on entend la kyrielle de purges demeurées, démago et marketées qui l'ont illustré, depuis la série des Porky jusqu'aux American Pie en passant par les sucreries disneyiennes pop featuring Hannah Montana ou les Jonas brothers. La particularité des meilleurs films de John Hughes résidaient dans le fait qu'ils regardaient leur public, les ados, droit dans les yeux et non pas de haut.
Seize bougies pour Sam, Breakfast Club et La Folle Journée de Ferris Bueller, ses trois joyaux, nous tendaient un miroir à peine déformé de nos propres émotions de collégiens/lycéens. Dans ces films, on ne baisait pas des tartes fourrées, on n'éjaculait pas dans un verre de bière offert à ses copines, on ne se roulait pas dans la merde et le vomis parce que, quelque part dans leur triste bureau de Burbank, une poignée de producteurs beaufs et leurs exécutants avaient décidé que tel devait être le menu d'une comédie ado normalement constituée. Les "teenage movies" de John Hughes étaient ceux d'un gentleman qui n'avait pas besoin de la vulgarité pour toucher nos coeurs et nos tripes.
John Hughes avait la trentaine bien tapée au moment de nous pondre ses petites perles générationnelles. Mais il restait un ado jusqu'à la moelle. "Il a une mémoire incroyable - visuelle, audio, émotionnelle - de ses propres années lycée" déclarait à son sujet dans Time Magazine l'acteur James Spader, à l'époque de Rose bonbon/Pretty in Pink (écrit et produit par Hughes) .
Issu d'une famille moyenne du Michigan, Hughes a passé son adolescence à Northbrook, petite ville de la banlieue nord de Chicago où il finira par tourner la plupart de ses films, dont Ferris Bueller par exemple. L'écoute du commentaire audio de Hughes dans l'édition DVD collector de Ferris Bueller apporte d'ailleurs de précieuses informations sur tous les souvenirs personnels qu'il disséminait à travers ses personnages. Il fut lui même un adolescent discret et solitaire, ostracisé aussi bien par les intellos que par les sportifs du bahut et donc souvent placé en position d'observer ce qui se passait à sa droite comme à sa gauche. On imagine qu'il a nourri pendant ces années son talent de croqueur hors pair des moeurs de son époque ; talent d'abord mis au service de la publicité puis comme auteur de chroniques pour le magazine comique "National Lampoon".
En tant qu'ado, Hughes a donc certainement vécu mille fois la solitude ou le malaise de certains de ses personnages - je pense au dépressif Cameron (Alan Ruck) dans Ferris Bueller, au "Geek" de Seize bougies pour Sam (Anthony Michael Hall) mais aussi, dans ce même film, à Samantha et ses 16 ans gavés de spleen. Ou encore à ces cinq ados collés en retenue dans Breakfast Club, tous issus de classes sociales si éloignées mais dont les préjugés mutuels s'effriteront vite devant leurs innombrables frustrations communes. Mieux qu'aucun autre, Hughes a su ainsi greffer à l'humour désopilant de ses comédies une sensibilité et une compréhension rare de l'adolescence dans toutes ses dimensions. La colère, la mélancolie, l'angoisse, l'euphorie, l'insouciance, l'arrogance, la candeur, la fougue. La beauté d'une idylle naissante. La détresse du bon copain, amoureux sans retour de celle qui ne s'en apercevra jamais. Le besoin d'amour et d'amitié, leur importance capitale.
J'associe aux réalisations de Hughes, non seulement des souvenirs et des sensations très personnelles mais aussi de purs moments de bonheur cinéphilique. De l'extraordinairement jouissif intermède musical de Ferris Bueller aux poignantes dernières minutes d'Un ticket pour deux, qui s'abattent sur vous sans crier gare après 90 minutes de rire franc, John Hugues m'a touché. Ses héros bancals m'ont accompagné. Ses innombrables scènes cultes m'ont nourri - "Anyone, anyone ?"... Il faisait des films qui nous aidaient et nous aident toujours, dans les jours sans, à nous sentir un peu moins seuls.
Une ultime preuve, s'il en fallait une, de cette empathie du cinéaste avec son public serait la réaction bouleversante d'une fan américaine de longue date du réalisateur. Son témoignage, posté sur son blog peu après la mort de Hughes, a ému des milliers d'internautes, moi le premier. Elle s'appelle Alison Byrne et raconte comment, en pleine Breakfast Club-mania, l'ado qu'elle était alors écrivit, un soir de baby sitting, une lettre vibrante au réalisateur pour lui confier à quel point Breakfast Club avait bouleversé sa vie. Comment, furieuse de n'avoir reçu pour toute réponse qu'un formulaire d'adhésion au fan club de Hughes, elle écrivit une seconde missive gonflée de colère et de déception qui, cette fois, toucha l'intéressé qui lui répondit en personne. Alison raconte ensuite la longue relation épistolaire qui allait l'unir à cet homme qu'elle ne rencontrera jamais mais qui deviendra, au fil des échanges, son plus proche confident.
Documents visiblement authentiques à l'appui - le ton de son récit interdit toute suspicion de bidonnage - Alison révèle la profonde humanité du réalisateur qui, dans ses lettres, finissait lui aussi par tomber l'armure et se confier à son tour. Notamment sur les raisons de son retrait de la vie hollywoodienne au milieu des années 90. Et à la fin de sa poignante élégie, Alison nous redit sa propre détresse, son immense peine et ses larmes devant la perte d'un ami à distance qui a tant compté pour la femme qu'elle est aujourd'hui devenue.
Si les films de John Hughes vous ont un tant soit peu touché, je vous recommande la lecture du témoignage d'Alison (cliquez !). Serrement de gorge garanti. Avec des mots bien plus habités que les miens, et une expérience personnelle plus parlante que n'importe quelle nécro, Alison a sans doute écrit le plus bel hommage que j'aie pu lire jusqu'ici sur l'un des héros de mon adolescence. Les innombrables réactions à ce témoignage ne sont pas en reste question émotion.
Au revoir donc, monsieur Hughes. Merci infiniment pour les rires, les larmes et tant d'autres précieux souvenirs.
Hommage à John Hughes diffusé dans Scuds 8 (montage : Fanny Bensussan)
12 commentaires:
T'auras mis le temps mais ça valait le coup. Très bel hommage à Hughes et je partage ta nostalgie et la sensation qu'avec la mort de Jackson et de John Hughes c'est notre jeunesse que l'on enterre (j'ai 36 ans).
Puis tu as bien raison quand tu parles des vomitifs cinématographiques que sont les american pie... On va dire que c'est une question de génération mais moi je soutiens que c'est juste une question de culture. Les jeunes d'aujourd'hui sont des bovins et c'est naturellement qu'on leur sert de la merde.
RIP John Hughes.
Le film que je retiens le plus de lui est bien sur la folle journée de Ferris Bueller, genre le film qui ma le plus marqué quand j'étais ado, bien que j'ai encore jamais volé de Ferrari (250GT Californiaaaaa of course!!)Je suis aussi de la génération des "Maman j'ai raté l'avion" qu'il a scénarisé (qui soit dit en passant m'ont bien fait marré!).
Je me souviens plus trop d'un ticket pour deux, je l'ai vu petit aussi peut être un peu trop jeune d'ailleurs, mais je me souviens la scène ou ils roulent à l'envers sur la route et je me rappelle m'être fait très très mal aux abdos lors de cette scène :P!!!
Encore jamais vu Breakfast Club, jvais essayer de trouver ça en DVD.
J'ai vu Une créature de rêve il n'y pas si longtemps, en ignorant que c'était lui qui l'avait réalisé, et finalement ça ne m'a pas étonné!
Je rejoins les propos de Ned Tannen que tu cite, Hughes savait parler aux ados et à ceux qui sommeillent encore en nous comme Spielberg sait parler aux enfants.
Well, bye bye John Hughes, les meilleurs s'en vont toujours les premiers :(
Merci beaucoup à vous deux pour ces deux premières réactions, ca me fait très plaisir sur ce coup là de sentir une communion et votre fidélité !
Stif, je te trouve juste un poil duraille avec notre jeunesse : regarde Martinus, c'est un djeunz qui a bon goût, il est donc permis d'espérer !
Merci encore à vous deux
Autant "Stand By Me", reste un film définitif sur l'enfance, autant "Breakfast Club" est sans doute LE film sur l'adolescence.
Bravo pour l'hommage.
Merci O grand Sheppard parmi les Sheppard !
Tu sais John, à mon taf les employés sont des majoritairement des étudiants de 20 à 25 ans. L'autre jour avec un pote on s'est amusé à leur demander qui était Hendrix. Bah tu me croiras ou pas mais 3 sur 4 ne savent pas. Et je ne te parle même pas de leur culture cinématographique.
J'avoue que ya eu un retard sur la chaine de production dans ma famille, et que je me sens plus proche de la culture que vous vous attribuez plutôt que de la culture de mon age. Après comme d'hab ça reste une question d'éducation, et comme la plupart des parents sont des bovins c'est normal que leur gamins soient des bovins hein stif!
Si ma mère ne m'avait pas montrer la folle journée de ferris bueller, star wars, les gremlins et j'en passe avant mes 10ans, je serais ptet devant le site de Secret Story en ce moment...brrrr ça m'en file des frisssons!
Je généralise bien entendu et y'a des parents un peu geeks (genre ta mère) qui ont réussi à sauver leurs enfants mais c'est hélas bien rare.
@Phil
Tu vas nous faire un hommage à Patrick Swayze ?
Allez, ne serait-ce que pour Point Break et Donnie Darko...
Une chose est sûre, il fait pas bon d'être une icône de jeunesse en ce moment.
Alors vi j'ai préu oune pétite choche pour le Patrick, mais ca sera quand même plus décontracté du gland l'hommage à Hughes.
Donnie Darko... quel putain de film barré !
@Stif : ton anecdote sur Hendrix est édifiante...
Donnie Darko, un de mes films fantastiques préférés! La fin et tout ce qu'elle implique , tout ce qu'on percute en voyant les dernières images, sublime!!
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