Joyeuses Pâques, bande de dégénérés, Plissken from Mars speaking...
Bon, donc, comme environ 300 autres pékins gentiment conviés à la projection de presse de Star Trek, vendredi 10 avril au Gaumont Opéra Capucines à 9h30, j'ai vu le film. Et il correspond exactement, en un peu mieux même, à ce que j'en attendais : un vrai pur space opera généreux et réjouissant.
Après Mission Impossible 3 (et plutôt ratée) avec Tom Cruise, c'est donc Mission réussie sur presque toute la ligne avec Kirk et sa clique pour JJ Abrams, le Robert Zemeckis du 21e siècle.
Je vais tâcher de développer présentement cette subtile pensée, sans trop spoiler ni faire trop long.
NB : un débat certainement vif et captivant (comme d'hab' quoi...) aura lieu au sujet du film dans Scuds 6, en ligne sur www.scuds.tv vers fin mai.
BON LA CRITIQUE, DONC !
JJ Abrams l'a seriné lui même à longueur de tournées promo : il n'est pas un fétichiste de Star Trek, même si la première série l'a marqué dans son enfance et qu'il gardait une sympathie plutôt bienveillante à l'égard de cet univers. Les scénaristes du film en revanche, en particulier Roberto Orci (co-auteur de Fringe et, ouille, de Transformers), sont des "die hard fans". D'où la schizophrénie du résultat final, entre fidélité et trahison totale de la franchise.
L'idée de base de ce Star Trek est bête comme klingon (j'analogise, cherchez pas) mais, comme le sait pertinemment Abrams en expert qu'il est du cortex geekien, elle exploite le filon le plus adulé des fanboys que nous sommes tous : une "origin story". Bien vu : Hollywood nage justement en pleine fibre mélancolique revival (remakes et reboots s'amoncellent en télé comme au ciné...) ET le public geek ne vibre jamais autant que devant le récit de la naissance de ses mythes préférés. En choisissant, plutôt que de se risquer à créer de nouveaux personnages inconnus au bataillon, de rajeunir les figures familières de Kirk, Spock et consorts, Abrams et ses deux scénaristes (Orci et Alex Kurtzman) font mouche là où Lucas s'est dramatiquement planté avec ses prequels de Star Wars en bois (de synthèse).
La scène d'ouverture en impose méchamment. L'espace, une entrée de champ majestueuse d'un vaisseau spatial (l'USS Kelvin) accompagnée en bruit de fond d'un écho radar kitschounet rappelant, si je ne m'abuse, celui de la série des sixties. Puis l'attaque du navire par une forme effrayante surgie de nulle part, bouche monstrueuse hérissée de saillies métalliques colossales face auxquelles le Kelvin brille par son insignifiance. L'agresseur est un vaisseau Romulien venu du futur... et son raid ne fera pas de quartier. Dés ces premières secondes, nous y sommes. JJ Abrams maîtrise parfaitement la grammaire visuelle de Star Trek en y ajoutant ce qui a toujours manqué aux films précédents : du punch !
Un seul plan de cette scène choc m'a procuré plus de sensations que les dix Star Trek précédents réunis : alors que le Kelvin est progressivement mise en pièces par les tirs romuliens, la caméra frénétique suit une membre d'équipage paniquée, courant se mettre à l'abri, jusqu'à ce qu'une nouvelle déflagration déchire la coque du vaisseau et propulse la malheureuse dans le silence sidéral. Effrayant et impliquant : on a vraiment l'impressoin d'y être. Le capitaine du Kelvin n'est autre que le père de James T. Kirk. Il périra dans l'attaque, non sans s'être sacrifié pour permettre à ses hommes et son épouse enceinte de fuir.
Depuis son module de sauvetage, elle verra son mari mourir sous ses yeux quelques secondes après avoir donné naissance à un petit James Tiberius Kirk, dans les larmes et le désespoir. Typique de ce schizo de JJ Abrams : mêler une certaine cruauté avec du mélo plus ou moins mielleux. Lost est truffé de ce procédé.
Tout le reste du film montre comment et pourquoi cet assaut meurtrier va déterminer l'avenir de Kirk... et au passage bouleverser la franchise Star Trek via un bon vieux paradoxe temporel (je ne puis en dire plus sous peine de spoiler comme un goret). Astucieuse idée pour justifier certaines retouches de taille concernant les héros, qui font déjà hurler moult fans (oui, Sulu a un sabre magique, Kirk malmène la "prime directive" et Uhura roule des pelles à...oups.. j'ai failli gaffer !)
Mais il faudrait vraiment être peine à jouir (non je ne vise personne !) pour bouder son plaisir devant ces 120 minutes de fun magistral et presque sans temps mort. Comme Joss Whedon, JJ Abrams a un sens inné de l'icônisation et multiplie les "money shots" pour les fans, comme pour les non-trekkies vaguement familiers de cet univers (un peu mon cas). Qu'il s'agisse de l'Enterprise en construction, des "live long and prosper", des vues de l'équipage de l'Enterprise au complet en combi moutarde ou bleu marin ou encore des panomariques spatiaux de toute beauté : on en a pour son argent et le frisson mélancolique nous étreint. A ce sujet, les effets visuels d'ILM sont extraordinaires et les 150 millions de dollars de budget semblent bel et bien à l'écran (l'avantage d'éviter l'embauche de stars au générique, ma bonne dame...).
Si je ne m'abuse, c'est d'ailleurs la première fois, depuis le tout premier Star Trek de Robert Wise en 1979, qu'un film de la franchise est nanti d'un vrai budget de blockbuster de première classe. Une enveloppe qui a permis à JJ Abrams de montrer autre chose qu'une bande de glands en collants accrochés à leurs tableaux de bord mais là réside aussi l'un des défauts du film.
Certes, comme il nous l'annonçait, JJ a bel et bien montré un 23e siècle "incarné" , via de superbes plans d'immenses gratte ciels de San Francisco et quelques scènes se déroulant dans des lieux de vie sur Terre (bar, chantier, appartement...). Mais ces efforts ressemblent davantage à un alibi, un décor en trompe l'oeil, faute d'être réellement intégrés à la narration. Rien ne se passe ni n'est montré en dehors des murs de la Starfleet academy et lorsque les Romuliens s'attaquent à la Terre, la caméra ne quitte jamais l'enceinte du bâtiment et se contente de montrer, de loin, un immense rayon d'énergie frapper tout près du Golden Gate bridge. Frustrant...
Tout en cédant à la mode agaçante du "cadrage à l'épaule pour faire actuel", le film reste lisible et offre une bonne demi douzaine de morceaux de bravoure visuels vraiment excitants, dont cette fameuse scène de space jump sur Vulcain à vous décrocher la mâchoire. Et je pose la question : s'est-on déjà décroché la mâchoire en voyant un Star Trek au cinéma ? J'en doute. J'ai aussi une petite préférence pour la séquence de course poursuite, au début du film, entre Kirk gamin, au volant d'une vieille guimbarde, et un trooper en plein Kansas sur fond de Sabotage des Beastie boys. Jouissif et totalement décalé !
Les acteurs ? Rien à redire : c'est un sans faute, avec une mention perso à Zoë Saldana (Uhura) et l'hilarant Anton Yelchin (Chekov). Sans être renversants, Chris Pine (Kirk) et Zach "Sylar "Quinto (Spock) sont aussi dans la note, tandis que le chouchou de ces geeks Simon Pegg remplit son contrat rire en Scotty. Surtout, l'introduction de chacun des protagonistes est l'objet de scènes toujours savoureuses. Aucun d'entre eux ne rate son entrée et dans le genre, celle du docteur McCoy (Karl Urban !), verbe haut et sale carafon de rigueur, est un petit chef d'oeuvre.
Enfin, JJ Abrams a très judicieusement réussi la soudure entre le public traditionnel de Star Trek et les nouvelles cibles via le retour de Leonard Nimoy en Spock venu du futur. C'est par lui, vitrine la plus familière de la saga, et le discours qu'il lui prête que le réalisateur symbolise l'ambition nouvelle de Star Trek : ne jamais oublier totalement la tradition tout en poussant ses héros vers une voie nouvelle.
Alors, Star Trek, un chef d'oeuvre ? Sûrement pas mais ce n'est pas ce qu'on lui demande. Pop corn movie assumé mais jamais crétin, spectacle somptueux, roller coaster généreux et maligne refonte du mythe : la fiesta spatiale de JJ Abrams remplit impeccablement son contrat et propulse enfin la franchise vers une réelle envergure cinématographique. Certes, on imagine bien la cascade de calculs marketing qui a dû présider à cette colossale entreprise (attention, calembour masqué) destinée à réanimer une juteuse franchise. Et alors ? Au final, le plaisir est là et pour la première fois, je peux dire d'un Star Trek que je foncerai en salles pour voir la suite.
Longue vie et prospérité à JJ Abrams !
Star Trek, de JJ Abrams : sortie nationale France le 4 mai 2009.
End of transmission...
3 commentaires:
Les bras m'en tombent... on a pas vu le meme film c'est pas possible...
en plus je fait de la pub pour toi :
http://www.firstshowing.net/2009/04/07/first-reaction-to-star-trek-from-the-world-premiere/#comment-142429
Oh putain que ça fait envie! Merci pour cette délicieuse critique qui fait chaud au coeur et qui s'ajoute aux avis enthousiastes d'Harry Knowles,d' Alain Carrazé (qui en a même pleuré) et même de certains critiques de... "Mad Movies"!!! Après la daube immonde de "Star Trek Nemesis" qui a rendu plus d'un trekker aveugle ( perso j'avais déjà perdu un oeil avec "Star Trek v"... ) il est bon de voir une franchise aussi riche revivre. Maintenant la question est de savoir si JJ va réussir à mettre le français moyen dans une salle diffusant un "Star Trek"...là j'ai un gros doute...
Bon sinon je reste un fidèle de ton blog même si j'ai pas toujours le temps de réagir ( mais quand même bravo pour tes articles sur Carpenter , sur Lost saison 5, pour le plaisir de revoir des vieilles trognes de ciné, et pour cette découverte du formidable générique de la série "Spiderman",on frôle presque le grandiose!)
Par contre je suis très à la bourre sur les "SCUDS"... oui je sais j'ai honte...
A bientôt cher John!
Renaud
Cher Renaud, mille merci tes compliments me vont droit au coeur et j'ai hâte de connaitre tes impressions sur Star Trek. See you bientôt, vieille branche !
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